vendredi 22 août 2014

Economie mondiale : quelques raisons d'être inquiet ?

Analyse de Pascal Roussel, chef d’unité au sein du département des risques financiers au sein d’une grande banque située au Luxembourg (extraits)

L’extrême fragilité du monde financier

Le système financier mondial n’a jamais été aussi fragile. Les risques de ruptures sont très réels même si les banques centrales et les autorités publiques se veulent rassurantes.

Jaime Caruana, le General Manager de la BIS (la banque centrale des banques centrales située à Bâle) craint un « Lehman » dû à la flambée de la dette dans le monde entier et déclare que les investisseurs ignorent la perspective de taux d’intérêt plus élevés dans leur quête aux rendements. (6)
Maximilian Zimmerer le Chief Investment Officer d’Allianz (le plus gros assureur en Europe) déclare quant à lui que « rien n’est résolu et tout le monde le sait ». (7)
On pourrait multiplier les mises en garde officielles de ce genre, car loin de l’illusion des performances boursières (8), il suffit de gratter un peu sous la surface pour comprendre ce qui inquiète ces hautes personnalités du monde financier.

Citons de manière non exhaustive et dans le désordre :

Même si depuis l’effondrement de Bretton Woods, le monde a déjà connu des crises bancaires et des faillites étatiques, la situation actuelle est unique, car

  • jamais le monde financier et économique n’a été aussi interdépendant, 
  • jamais le niveau global de l’endettement n’a été aussi élevé, 
  • jamais le « shadow banking » n’a été aussi important (10), 
  • jamais les produits dérivés n’ont à ce point cimenté les institutions financières mondiales, 
  • jamais nos économies n’ont été aussi dépendantes du gaz, du pétrole et de l’électricité, 
  • jamais les décideurs économiques et financiers n’ont à ce point basé leur décision sur des modèles mathématiques inadaptés face à la multitude de variables qui entrent en jeu.

Etats-Unis

  • Aux États-Unis on observe une baisse constante du taux de participation de la population active sur le marché du travail, 
  • la bourse atteint des sommets principalement parce que des sociétés rachètent leurs propres actions (et certaines empruntent même massivement pour le faire), 
  • les assurances anti-crash boursier deviennent de plus en plus chères, 
  • les classes moyennes désertent même les commerces « low cost », 
  • 70% des Américains pensent que la crise n’est pas terminée ou que le pire est à venir, 
  • les ventes de Caterpillar, qui représente bien l’économie réelle, sont constamment en baisse
  • la bulle des prêts étudiants n’en finit pas de gonfler, 
  • mis à part quelques niches il n’y a pas de reprise sérieuse de l’immobilier commercial ou pour particuliers,
  • même l’investissement pour le marché locatif qui a largement contribué à amortir la chute montre des signes de faiblesse (eh oui, depuis 2008 les investisseurs savent qu’un Américain sans revenu ne peut pas payer son emprunt hypothécaire, mais ils découvrent maintenant qu’il est tout autant incapable de payer son loyer !), 
  • le gouvernement américain ne montre aucun signe de sevrage de sa dépendance à la dette, 
  • la côte Ouest est frappée par une sècheresse catastrophique, 
  • les prêts automobiles subprime qui ont contribué à donner une illusion de relance du marché automobile américain donnent des signes de faiblesse), 
  • la Fed qui doit se douter que l’avenir n’est pas aussi rose qu’elle veut le faire croire, s’apprête à imposer des restrictions sur les retraits d’argent de certains fonds obligataires, … etc.

Chine

En Chine, il y a principalement 6 domaines essentiels qui soulèvent de très grosses inquiétudes:

  • la plus grande bulle de crédit au monde, 
  • la bulle immobilière astronomique qui aurait fait pâlir d’envie Dubaï, Londres et les États-Unis réunis, 
  • l’importance colossale du shadow banking avec toutes ses dérives, illustrées par exemple par le dernier scandale de la multiple réutilisation de stocks de matières premières pour garantir plusieurs prêts différents, 
  • la volonté de la Chine d’étendre sa zone d’influence maritime, 
  • l’état réel de l’économie chinoise qui est bien plus malade qu’il n’y paraît, 
  • le traficotage permanent des statistiques officielles, …etc.


Europe

La situation en Europe est probablement bien connue des lecteurs, il est donc inutile de faire une longue liste de ce qui va mal. Allemagne, Italie, etc. la situation est fragile.
J.Stark, ancien vice-président de la Banque Centrale allemande déclarait en mai dernier que le système économique actuel est une pure fiction ! À titre d’exemple, citons simplement le récent dépeçage, suivi d’une nationalisation des « bons morceaux restants» de la première banque portugaise, le tout en un week-end.
Les taux souverains sont ultra-bas pour le moment, il faut bien que la monnaie de banque centrale distribuée généreusement serve à quelque chose. En plus les titres souverains offrent bien des avantages: pas besoin de mettre de capital en réserve pour les conserver, ils sont souvent très liquides et représentent un très bon collatéral dans un monde financier qui subit une pénurie de collatéral.

Fin octobre, la Banque Centrale Européenne (BCE) terminera son analyse de la qualité des actifs de 130 banques. Bien entendu cet exercice dépend grandement de la bonne volonté des banques auditées, mais il se murmure que cette fois, les résultats ne seront pas aussi roses … Les soldes des comptes Target 2 auprès de la BCE (à ce niveau, ne devrait-on pas parler de chambre de compensation) témoignent de la méfiance dans le secteur interbancaire.

Dans le monde

En Amérique du Sud, on peut se demander quel vont être l’impact et le risque de contagion lié au défaut de paiement de l’Argentine et de l’hyperinflation qui se développe ?

Le statut du dollar comme monnaie de réserve mondiale est de plus en plus attaqué.

Ebola : un danger qui pourrait potentiellement devenir très grave.

Au niveau mondial, les prix de la nourriture sont repartis à la hausse.

L’indice Baltic Dry qui reflète le commerce maritime international ne cesse de baisser depuis le début de l’année.

source :
http://www.les-crises.fr/invite-lopinion-publique-est-dominee-par-un-egregore-par-pascal-roussel/

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